Chefs d'entreprise : comment bien gérer le PAS ?
L’année 2019 est une année de grand bouleversement sur le plan fiscal puisque l’impôt sur la plupart des revenus va être prépayé à la source. Un nouveau mode de paiement de l’impôt qui va conduire les professionnels indépendants et les dirigeants à faire preuve d’anticipation.
Le prélèvement à la source (PAS) modifie les modalités de paiement de l’impôt sur le revenu qui est dorénavant prélevé en temps réel sur la plupart des revenus dès leur perception. Les règles de calcul de l’impôt (barème, quotient familial, déductions du revenu global, réductions/crédits d’impôt) ne changent pas. Pour éviter une double charge d’impôt en 2019, un mécanisme complexe a été mis en place afin d’effacer l’imposition sur les revenus courants de 2018. Mais pour certains contribuables, il y aura quand même un reliquat d’imposition à acquitter.
Retenue à la source ou acompte
Tous les chefs d'entreprise ne sont pas logés à la même enseigne. Selon le type de revenu, le PAS prend la forme d’une retenue à la source pratiquée tous les mois par le « tiers collecteur » ou d’un acompte prélevé directement par le fisc sur le compte bancaire du contribuable.
Retenue à la source.
Vous êtes gérant minoritaire de SARL, dirigeant de SA ou de SAS (y compris de SASU) ? Les sommes imposables que vous percevez en tant que salaires (rémunération principale et éléments accessoires) sont soumises à retenue à la source. Il en va de même des revenus de remplacement (indemnités journalières maladie, accident ou maternité ...) ainsi que des éventuelles pensions et rentes viagères à titre gratuit versés à tous les chefs d'entreprise.
Cette retenue est effectuée par le tiers collecteur (employeur, caisse de retraite, Sécurité sociale…) sur le montant net imposable des revenus du mois (avant la déduction pour frais professionnels sous forme forfaitaire ou de frais réels). À cette assiette, le tiers collecteur applique le taux personnalisé du contribuable calculé et transmis par le fisc via la DSN sur la base des dernières informations connues (revenus 2017 pour le PAS appliqué de janvier à août 2019).
Si le contribuable est marié ou pacsé, ce taux personnalisé s’applique aux revenus de chacun des membres du couple (par exemple, salaire de Monsieur et revenus BNC de Madame). En cas de disparité importante dans le couple, il est possible d’opter pour un taux individualisé afin de ne pas trop obérer les revenus de celui qui gagne moins. L’imposition totale du couple reste la même, seule la répartition des prélèvements entre les conjoints est modifiée. Par ailleurs, le taux individualisé ne s’applique pas aux revenus considérés communs tels les revenus fonciers (soumis à acompte).
Enfin, pour préserver la confidentialité sur son taux, le contribuable peut demander à ce que celui-ci ne soit pas communiqué à son employeur qui applique alors un taux neutre. Ce taux neutre ne s’applique qu’aux salaires et résulte d’une option qui peut être exercée librement par l’un ou l’autre des conjoints. Le taux appliqué résulte d’une grille fixée par la loi qui ne tient pas compte de la situation ou des charges de famille, ce qui peut donc être pénalisant en termes de trésorerie. Par ailleurs, si ce taux neutre est inférieur au taux personnalisé du contribuable, celui-ci doit acquitter spontanément tous les mois la différence via son espace personnel sur le site « www.impots.gouv.fr ».
Précision
Le taux neutre est obligatoire dans certaines situations notamment si le contribuable n’a jamais souscrit de déclaration, en cas d’embauche ou de première liquidation d’une retraite. Le taux de prélèvement est nul si deux conditions cumulatives sont remplies : l’IR (après imputation des réductions et crédits d'impôt) mis en recouvrement au titre des deux dernières années d’imposition connues est nul et le revenu fiscal de référence de la dernière année d’imposition connue n’excède pas 25 000 € par part de quotient familial.
Acomptes.
Pour les chefs d'entreprise qui perçoivent des revenus professionnels relevant de la catégorie des BIC, des BNC ou des BA, le montant de l’impôt est prélevé directement par le fisc sur leur compte bancaire tous les mois sous la forme d’un acompte (le 15 du mois). Il est possible d’opter pour un acompte trimestriel prélevé le 15 février, le 15 mai, le 15 août et le 15 novembre (option ouverte jusqu’au 1er octobre pour l’année suivante). Bien qu’imposées juridiquement en tant que salaires, les rémunérations allouées aux gérants et associés de certaines sociétés mentionnés à l’article 62 du CGI (gérants majoritaires de SARL, associés d’EURL…) sont aussi soumises au PAS sous forme d’acompte.
Un impôt régularisé l'année suivante
Le PAS n’est pas libératoire de l’impôt sur le revenu. L’imposition définitive ne sera liquidée que l’année suivante une fois la déclaration de revenus souscrite.
Déclarer ses revenus reste incontournable
L’instauration du PAS ne sonne pas la fin du pensum de la déclaration de revenus. Celle-ci continue de devoir être souscrite par tous les contribuables au printemps de l’année N + 1. Elle doit faire apparaître l’ensemble des revenus perçus au titre de l’année (soumis au PAS ou non), les charges du foyer fiscal et les dépenses ouvrant droit à avantage fiscal. C’est sur la base de cette déclaration que le fisc calcule l’imposition définitive sur tous ces revenus desquels sont défalqués les retenues à la source ou acomptes déjà opérés et les éventuels réductions et crédits d’impôt.
Restitution ou solde à payer.
Selon le cas, il peut en résulter un trop versé (restitution automatique) ou un complément d’imposition à payer en une seule fois ou de façon étalée sur les quatre derniers mois de l’année (somme supérieure à 300 €). Tel sera le cas notamment de personnes ayant perçu des revenus non visés par le PAS (revenus et plus-values mobilières) qui doivent donc penser à mettre de l’argent de côté pour faire face à ce règlement.
À noter
Certains bonus fiscaux obtenus en 2018 au titre de dépenses effectuées en 2017 (emploi d’un salarié à domicile, dons à des associations, investissements locatifs…) ont donné lieu au virement d’un acompte de 60 % le 15 janvier 2019. Le solde sera versé au moment de la liquidation de l’impôt final. L’avance devra en revanche être rendue si les dépenses concernées n’ont pas été reconduites en 2018.
Piloter le PAS au mois le mois
À la différence des revenus soumis à retenue à la source, l’assiette des acomptes correspond aux revenus de l’année N – 2 puis N – 1. Le versement de l’impôt n’est donc pas pleinement contemporain de la perception des revenus et il est donc indispensable d’être proactif pour éviter de faire des avances de trésorerie inutiles. Le service « Gérer mon prélèvement à la source » accessible via son espace personnel sur le site « www.impots.gouv.fr » permet d’optimiser sa charge fiscale. Un certain nombre d’informations doivent alors être fournies ainsi que les revenus du foyer fiscal de 2018 voire une estimation des revenus de 2019.
Changement de situation.
Certains changements de situation personnelle visés par la loi doivent être déclarés obligatoirement dans le délai de 60 jours : mariage ou conclusion d’un PACS, décès de l’un des conjoints ou partenaire dans un PACS soumis à imposition commune, divorce ou rupture d’un PACS, naissance, adoption ou recueil d’un enfant mineur. Le fisc actualise le taux et modifie éventuellement l’échéancier des acomptes. Il est possible de signaler l’un de ces événements intervenus en 2018 afin que le taux soit mis à jour sans attendre l’actualisation en septembre 2019.
Moduler son taux.
Les professionnels indépendants doivent être vigilants en cas de baisse prévisible de revenus et demander alors le calcul d’un nouveau taux. Mais attention, alors que les variations à la hausse sont libres, une baisse de taux ne peut être sollicitée que s'il existe un écart de plus de 10 % et de plus de 200 € entre le montant du prélèvement calculé d’après les revenus estimés de l’année en cours et le prélèvement qui s’appliquerait sans modulation. Il est indispensable de faire des simulations sur le site « www.impots.gouv.fr » car en cas de modulation excessive ou erronée, une majoration de 10 % est appliquée.
Remarque
Le délai pour la prise en compte de cette modulation pouvant aller jusqu’à 3 mois, il est indispensable de faire preuve d’anticipation pour limiter l’impact de trésorerie négatif. Il faut pour cela être en mesure d’estimer l’ensemble de ses revenus de l’année en cours avec suffisamment de précision.
Moduler ses acomptes.
Pour un contribuable soumis à acompte, il est aussi possible de jouer sur l’assiette des acomptes pour que les prélèvements s’adaptent au mieux à la situation et ne grèvent pas inutilement la trésorerie. Cette démarche suppose également d’être capable de communiquer au fisc une estimation de ses revenus de l’année en cours pour éviter l’application de la pénalité de 10 % en cas d’erreur. Les personnes qui ne veulent pas courir ce risque peuvent simplement demander le report d’une ou plusieurs échéances d’acompte (au maximum 3 échéances mensuelles ou une échéance trimestrielle).
Début ou arrêt d'activité : comment optimiser sa trésorerie
En cas de démarrage d’une activité non salariée, aucun acompte n’est en principe dû avant septembre de l’année N + 1. Il est cependant possible de signaler cette création d’activité et d’opter pour le versement spontané d’acomptes sur une base fixée librement, ceci afin d’éviter une régularisation d’impôt trop importante. Il est également possible d’actualiser son taux de prélèvement en indiquant le montant total des revenus de l’année en cours y compris ceux liés à la nouvelle activité. De la même façon, en cas d’arrêt d’activité, un travailleur indépendant peut demander à ne plus verser d’acompte.
Bien négocier l'année de transition
L’année 2018 est une année de transition. L’IR relatif aux revenus courants de 2018 sera annulé grâce à l’octroi d’un crédit d’impôt modernisation du recouvrement ou CIMR. En revanche, les revenus exceptionnels de 2018 et les revenus hors champ d’application du PAS (dividendes, intérêts, plus-values mobilières) seront bel et bien taxés à l’automne 2019.
Un CIMR spécifique.
Les professionnels indépendants et certains dirigeants de sociétés (ceux qui contrôlent leur société avec les membres de leur groupe familial) ne sont pas logés à la même enseigne que les autres contribuables. En effet, pour éviter des pratiques d’optimisation, des modalités spécifiques de calcul du CIMR leur sont appliquées. L’appréciation du revenu exceptionnel de 2018 s’apprécie par comparaison avec les bénéfices ou la rémunération des années précédentes. Le CIMR peut alors être plafonné. Cependant, en fonction du bénéfice ou de la rémunération de 2019, un CIMR complémentaire sera accordé automatiquement ou par voie de réclamation (pour plus de détails, voir RFConseil 308 juin 2018).
Soigner sa déclaration de revenus en 2019.
La déclaration des revenus de 2018 nécessite pour le contribuable d’identifier, sous sa responsabilité, les revenus exceptionnels et de les mentionner sur des lignes spécifiques.
Le fisc disposant exceptionnellement d’un délai de 4 ans (au lieu de 3) pour demander à un contribuable de justifier les éléments de calcul du CIMR, il est recommandé de se constituer un dossier étayé afin de se préparer à une telle requête. En cas de doute, il est possible d’interroger le fisc dans le cadre d’un rescrit fiscal, mais à condition de s’y prendre suffisamment à l’avance pour espérer obtenir une réponse avant la date limite de dépôt de la déclaration (au-delà de 3 mois, l’accord du fisc est considéré comme tacite).
Précision
Pour les professionnels indépendants et dirigeants ayant perçu des revenus financiers au titre de leurs placements privés (dividendes, intérêts, plus-values mobilières), l’autre difficulté de cette déclaration de revenus en 2019 tient à l’arbitrage à faire pour la première fois entre le PFU (prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % + 17,2 % de prélèvements sociaux, soit 30 % au total) et le barème progressif qui est plus délicat du fait de l’année de transition. Compte tenu de la formule de calcul du CIMR, il convient de confronter le PFU à son taux moyen d’imposition et non à son taux marginal d’imposition. Par ailleurs, soumettre ses revenus financiers au barème de l’IR (option globale et irrévocable) a pour effet d’augmenter le CIMR et donc de diminuer l’imposition à régler fin 2019. En revanche, cette option a pour inconvénient d’augmenter le taux de prélèvement qui s’appliquera à partir de septembre 2019.
Autoentrepreneurs et PAS
Les entrepreneurs individuels ayant opté pour le versement fiscal libératoire (VFL) au titre des revenus 2019, n’ont pas d’acompte à verser en 2019 à raison de ces revenus professionnels BIC ou BNC. Il convient d’être vigilant en cas de changement de régime. Par exemple, en cas de résiliation du VFL, si le fisc ne calcule pas d’acomptes, il faudra régler la totalité de l’imposition en N + 1 (créer alors des acomptes mensuels pour étaler le paiement). À l’inverse, en cas d’option, si le fisc n’a pas supprimé les acomptes il convient de demander l’arrêt des acomptes pour éviter un double prélèvement. À noter enfin que les professionnels indépendants qui ont dénoncé leur option pour le VFL en 2017 pour 2018 et qui ont exercé une nouvelle option en 2018 pour 2019 ne bénéficient pas du CIMR.