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Social Période d’essai Invoquer la nullité de la rupture de l’essai, une stratégie parfois risquée Le 22 novembre 2012, une société hôtelière s’était engagée à embaucher un salarié au plus tard le 1er mai 2013, pour un poste en relation avec la création d’un hôtel en Tunisie. Toutefois, ce projet d’hôtel ayant entre-temps été abandonné, l’employeur n’avait manifestement plus l’intention d’honorer sa promesse d’embauche. Le salarié avait alors saisi le conseil de prud’hommes en référé et obtenu satisfaction : dans une ordonnance du 17 juin 2013, les juges avaient reconnu que le salarié était en principe embauché depuis le 1er mai 2013 et que son contrat de travail était en cours. Contraint de se plier à la décision des prud’hommes, l’employeur avait alors changé son fusil d’épaule et profité du fait que le salarié était toujours en période d’essai pour rompre le contrat de travail, le 25 juin 2013. Une nouvelle action en justice s’en était suivie. Le salarié avait choisi de se placer sur le terrain de la nullité, son argument étant que l’employeur avait rompu le contrat de travail en raison de l’action en référé intentée pour obtenir l’exécution de la promesse d’embauche. La Cour de cassation considère en effet que le fait de licencier un salarié à la suite d’une action en justice exercée contre l’employeur constitue une violation d’une liberté fondamentale et doit être sanctionné par la nullité de la rupture (cass. soc. 3 février 2016, n° 14-18600 FSPB ; cass. soc. 16 mars 2016, n° 14-23589 FSPBR). Toutefois, ni la cour d’appel ni la Cour de cassation n’ont suivi cette argumentation. En effet, pour les juges, l’employeur n’avait pas rompu l’essai en raison de la saisine des prud’hommes par le salarié, mais tout simplement parce que le poste à pourvoir n’avait finalement pas été créé, compte tenu de l’échec du projet d'implantation d’un hôtel en Tunisie. On remarquera que le salarié aurait peut-être eu plus de chances de succès s’il avait joué la carte, plus classique, de la rupture abusive de l’essai. En effet, la période d’essai visant à apprécier les qualités professionnelles du salarié, elle ne peut être rompue que pour un motif inhérent à la personne embauchée (cass. soc. 20 novembre 2007, n° 06-41212, BC V n° 194 ; cass. soc. 15 décembre 2010, n° 09-42273 D). En vertu de ce principe, la Cour de cassation a par exemple conclu au caractère abusif d’une rupture d’essai motivée par une mauvaise conjoncture économique ou par le fait que le poste avait été supprimé à la suite de l’absorption de la société (cass. soc. 24 novembre 1999, n° 97-43054 D ; cass. soc. 28 mars 2001, n° 99-42471 D). Ces deux dernières décisions nous paraissent pouvoir être rapprochées de l’affaire tranchée dans cet arrêt du 15 avril 2016. À première vue, et sans préjuger de la décision qu’auraient rendue les juges, la rupture abusive de l’essai semblait donc être une piste à envisager. Précisons néanmoins qu’en cas de succès, le salarié n’aurait pas obtenu la nullité de la rupture, mais « seulement » le versement de dommages et intérêts. Cass. soc. 15 avril 2016, n° 14-26027 D |