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Alcool au travail : que peut faire l'employeur ?
Tout employeur peut se retrouver confronté, un jour ou l'autre, à l'alcoolisme d'un salarié. La difficulté : trouver la réaction juste et proportionnée.
Des obligations pour l'employeur
Une consommation d'alcool restreinte. En tant que garant de l'hygiène et de la sécurité dans votre entreprise, vous avez certaines obligations. La loi vous impose d'empêcher l'introduction ou la distribution de boissons alcooliques, à l'exception, curieusement, du vin, de la bière, du cidre, du poiré et de l'hydromel non additionnés d'alcool. Par ailleurs, vous pouvez interdire à tout salarié en état d'ivresse d'entrer dans l'entreprise ou d'y rester. Cela ne vous empêche pas d'aller plus loin et d'interdire, pour la sécurité et la discipline, toute boisson alcoolisée.
Des pots pas trop arrosés. La pratique des « pots » (à l'occasion d'un départ, de fêtes de fin d'année, etc.) dans l'entreprise n'est pas interdite. Veillez à ce que les salariés qui reprennent le travail à l'issue du pot n'y consomment que les boissons autorisées. Si cela vous paraît préférable, vous pouvez décider d'y supprimer toute boisson alcoolisée.
Une prévention efficace
Un règlement intérieur ciblé. Vous pouvez encadrer, via le règlement intérieur, l'introduction et la consommation de boissons alcoolisées dans l'entreprise, et même les interdire formellement pour tous les salariés.
Vous pouvez aussi y prévoir le contrôle de l'état d'ébriété d'un salarié dans les conditions suivantes :
- le contrôle ne peut pas porter sur tout salarié, sans distinction : ne peuvent être visés que ceux qui manipulent des machines ou produits dangereux et qui conduisent des engins ou véhicules automobiles, ou encore, les salariés dont l'état d'ébriété constituerait une menace pour eux-mêmes ou leur entourage (ex. : en raison de la configuration des lieux) ;
- les salariés doivent pouvoir contester le test d'alcoolémie (en demandant une contre-expertise ou en exigeant de passer un second test).
S'appuyer sur le médecin du travail. Le médecin du travail a un rôle actif à jouer : il peut apprécier l'aptitude d'un salarié à son poste et faire pratiquer des examens complémentaires à l'examen clinique, quand la situation le justifie.
Des contrôles pertinents
Une fouille justifiée. La fouille des salariés est autorisée pour des raisons de sécurité collective. Si vous soupçonnez un salarié de détention d'alcool, vous ne pouvez ouvrir son armoire individuelle que dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur et en présence de l'intéressé.
Un recours à l'éthylotest encadré. En aucun cas, vous ne pouvez contraindre vos salariés à des examens sanguins. En revanche, dès lors que la mesure est prévue dans le règlement intérieur, vous pouvez leur faire passer un test d'alcoolémie dans les conditions décrites ci-avant. Le test peut être effectué par vous-même ou toute personne que vous aurez désignée.
Des sanctions proportionnées
Prouver l'ébriété. Si vous ne disposez pas d'un test positif, qui est une base valable à une sanction disciplinaire, vous avez tout intérêt à recueillir suffisamment de preuves pour pouvoir prouver l'état d'ébriété de l'intéressé :
- Témoignages. Dans le cas où l'ébriété du salarié est manifeste (ex. : démarche titubante), vous pouvez demander aux personnes ayant été à son contact des témoignages attestant de cet état. Mais ce mode de preuve a parfois une efficacité réduite : ainsi, le seul témoignage d'un client de l'entreprise a été jugé insuffisant à établir l'état d'ivresse d'un salarié.
- Forces de l'ordre. Le cas échéant, vous pouvez demander aux services de police ou de gendarmerie de venir constater le niveau d'alcoolémie d'un salarié.
Adapter la sanction à la situation. L'alcoolisme en lui-même n'est pas un motif de sanction car il relève de l'état de santé du salarié. En revanche, l'ivresse du salarié ou la consommation d'alcool pendant le temps de travail peuvent constituer des motifs légitimes de licenciement, dans la mesure où un salarié en état d'ébriété ne peut pas exercer correctement son travail.
Comme toujours, la sanction doit être proportionnée à la faute. Elle doit ainsi tenir compte des circonstances, des fonctions et de l'ancienneté du salarié.
La drogue, un risque à ne pas négliger
Depuis quelques années, la consommation de stupéfiants est en constante augmentation. Que peut faire l'employeur en présence d'un salarié manifestement sous l'emprise de drogues ? Du côté des juges, encore peu de décisions. Un licenciement paraît envisageable, à condition bien sûr d'établir la réalité de l'état du salarié. Dans ce but, des test salivaires permettent de détecter la présence de substances psychoactives. Un impératif : le recours à ce « drogue-test » doit répondre aux mêmes conditions de procédure et de garantie que celles prévues pour le test d'alcoolémie. Il ne peut concerner que des postes comportant de grandes exigences en matière de sécurité et de maîtrise du comportement. Quant à l'introduction et à la consommation de drogues sur le lieu de travail, elles peuvent justifier un licenciement pour faute grave.
Ce qu'en disent les juges
· Cause réelle et sérieuse de licenciement : oui.
État d'ébriété manifesté par des hurlements et des injures sur le lieu de travail (magasin) et grossièreté à l'égard d'un fournisseur.
· Cause réelle et sérieuse de licenciement : non
- Salarié surpris avec des collègues, un verre de pastis à la main, 10 minutes avant la fin de la journée de travail, dans les vestiaires et non dans l'atelier, après 13 ans d'ancienneté irréprochables.
- Comportement d'un salarié laissant supposer un état d'ivresse alors qu'il était dû à un traitement médical dont l'employeur était informé.
· Faute grave : oui
Contremaître ayant consommé de l'alcool sur le lieu et pendant le travail, en violation du règlement intérieur et alors qu'il se devait de donner l'exemple.
Règlement intérieur : modèle de clause
« Il est interdit de pénétrer dans l'entreprise en état d'ivresse et d'y introduire ou d'y consommer des boissons alcoolisées.
Les salariés qui manipulent des produits dangereux, sont affectés à une machine dangereuse ou conduisent des engins ou véhicules automobiles transportant notamment des personnes pourront être soumis à un éthylotest en cas de doute.
Le contrôle sera effectué par un ou des agents habilités, désignés par la direction de l'établissement. Le salarié pourra exiger que le contrôle s'effectue en présence d'un membre du personnel de son choix et qu'une contre-expertise sur son état soit réalisée. »